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17.01.2010 - Eclairage : L'affaire Madoff rattrape UBS et Ernst & Young

La Rubrique – Eclairage :

 

L'affaire Madoff rattrape

 UBS et Ernst & Young

En 2010, l'affaire Madoff peut-elle rebondir? Jusqu'à présent, l'enquête sur la fraude la plus spectaculaire de l'histoire de la finance, une escroquerie à plus de 50 milliards de dollars (34,9 milliards d'euros) avec trois millions de victimes dans le monde, s'était concentrée sur le financier Bernard Madoff lui-même, et son entourage proche.

 

Mais voici que les choses changent. Les banques qui ont géré les produits financiers conçus par M. Madoff, dans lesquels ont investi des épargnants riches ou modestes, voient leur responsabilité mise en cause. Elles sont accusées d'avoir manqué à leur devoir de protection des épargnants.

 

La banque suisse UBS est la première visée. La maison mère d'UBS en Suisse et sa filiale luxembourgeoise ont été assignées en justice, le 18 décembre 2009, par les liquidateurs judiciaires d'une sicav luxembourgeoise baptisée Luxalpha, une information alors révélée par Les Echos. Luxalpha est l'une des principales sicav liées au système frauduleux de M. Madoff. Les liquidateurs reprochent à UBS, censée conserver et gérer les fonds investis dans Luxalpha, d'avoir failli à sa mission.

Mais l'assignation n'est pas limitée à UBS. Elle vise au total quinze personnes physiques et morales, dont le cabinet Ernst & Young, auditeur de Luxalpha, et la Commission de surveillance du secteur financier luxembourgeoise (CSSF). Toutes sont accusées d'avoir manqué à leur devoir.

 

Le texte de l'assignation, un document de 136 pages dont Le Monde a eu copie, est particulièrement sévère et argumenté. Les deux liquidateurs, Mes Alain Rukavina et Paul Laplume, nommés par le tribunal d'arrondissement de Luxembourg, évoquent "une véritable complicité entre (...) professionnels".

 

Dans le détail, la filiale d'UBS au Luxembourg était dépositaire de la sicav Luxalpha. C'est-à-dire que la banque était chargée de conserver en dépôt les sommes placées par les épargnants dans Luxalpha. Or, indique le document, "UBS SA a objectivement failli à son obligation fondamentale". Non seulement elle a délégué cette mission de dépositaire à Bernard Madoff Investment Securities (BMIS), un fonds Madoff, mais elle en a aussi délégué la gestion. Or ce cumul de fonctions est interdit par la loi, depuis le 13 février 2004, car il augmente le risque de fraude. En outre, BMIS n'avait pas le statut approprié permettant d'obtenir la sous-délégation de la gestion de la sicav. Plus grave encore, "UBS SA a commis la faute de mettre en place une façade officielle qui cachait la réalité des structures internes", indiquent les liquidateurs. Autrement dit, UBS masquait son vrai fonctionnement à ses clients.

 

"Marionnettes"

 

Pour MM. Rukavina et Laplume, l'établissement ne pouvait ignorer cette faute mais suivait ses intérêts : toucher des commissions de l'ordre de 83,4 millions de dollars versées par Madoff. Les administrateurs de la sicav Luxalpha, censés contrôler son fonctionnement sont, eux, qualifiés sans ménagement de "marionnettes".

Le cabinet d'audit Ernst & Young n'échappe pas non plus à de graves accusations. Ce cabinet, parmi les plus réputés de son secteur, aurait contribué à donner aux investisseurs de Luxalpha une "illusion de sérieux". Ernst & Young, indique l'assignation, a dans ce dossier "fait une faute professionnelle grave".

 

Le cabinet n'aurait pas effectué le minimum de vérifications nécessaires, concernant notamment les soldes bancaires. "Vu l'importance de l'actif confié à BMIS, il est impensable et en tout cas impardonnable qu'Ernst & Young n'ait pas demandé de confirmation sur l'existence et l'évaluation de ce poste", mentionne ce document. "D'une manière générale, concluent-ils, Ernst & Young n'a pas tiré la sonnette d'alarme pour avertir la CSSF", le régulateur luxembourgeois.

 

Ce dernier n'est pas oublié. Selon ce texte, la CSSF aurait, elle aussi, manqué de rigueur à son devoir de contrôle de Luxalpha.

 

"Ces accusations sont gravissimes et accablantes pour UBS, autant que pour Ernst & Young. La CSSF est également en cause", estime Isabelle Wekstein, avocate chez Wan, agissant pour le compte d'investisseurs de Luxalpha.

 

Selon elle, l'analyse des liquidateurs, qui a nécessité plusieurs mois de travail, "conforte le bien-fondé des assignations que nous avons introduites à titre individuel pour les investisseurs, afin de faire condamner UBS et Ernst & Young à les indemniser".

En outre, "ce que cette assignation révèle comme défaillances peut avoir des incidences sur d'autres banques ayant un modèle comparable à celui de Luxalpha, indique Me Wekstein. La responsabilité de HSBC, dépositaire d'un autre grand fonds, Thema, en Irlande, investi dans des produits Madoff, où une procédure judiciaire est également en cours, pourrait de ce fait être établie avec encore plus de certitude qu'elle ne l'est déjà".

 

Pour les épargnants piégés par le scandale, cette assignation est ainsi, au moins sur le papier, une première victoire. Avec, à la clé, l'espoir de récupérer le montant des sommes investies dans la sicav, soit 1,54 milliard de dollars partis en fumée.

Source : Le Monde



17/01/2010
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