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17.08.2009 - A La Camargue : Les vitesses d'érosion les plus rapides du monde

La Rubrique – L'Environnement :

 

 

A La Camargue

Les vitesses d'érosion les plus rapides du monde

Le littoral de La Camargue connaît les

vitesses d'érosion les plus rapides du

monde : de 8 à 10 mètres par an à certains endroits

Perchée en haut d'une armoire bourrée de thèses et de documents de travail, la reproduction d'un tableau de Vincent Van Gogh: Barques sur la plage aux Saintes-Maries, peint en 1 888. François Sabatier, géomorphologue et maître de conférences à l'université de Provence, désigne la plage sur laquelle reposent des esquifs, une bande de sable de 1 kilomètre de large, aujourd'hui disparue.

 

Le littoral de la Camargue connaît les vitesses d'érosion les plus rapides du monde : de 8 à 10 mètres par an à certains endroits. Les apports sableux du Rhône sur lesquels la Camargue repose diminuent depuis la fin du XIXe siècle, de façon naturelle avec la fin du "petit âge glaciaire". Mais aussi du fait de la réduction des surfaces agricoles en amont, dans les années 1950, de la construction de barrages et des dragages du fleuve.

Cependant, l'érosion n'est pas uniforme. Dans les secteurs de Beauduc, de l'Espiguette et de la flèche de la Gracieuse, le rivage avance même de 2 à 30 mètres par an, en raison du dépôt - par des courants parallèles à la côte - des sables pris sur les zones en recul.

Le changement climatique et la montée du niveau de la mer font le bonheur des auteurs de scénarios catastrophes qui, cartes à l'appui, pronostiquent une submersion du delta du Rhône et font déjà des habitants des Saintes-Maries-de-la-Mer les premiers réfugiés climatiques français. "Dire que la mer monte et que, du coup, la Camargue va disparaître, c'est trop réducteur, corrige François Sabatier. Au XXe siècle, l'élévation moyenne du niveau de la mer, 2 millimètres par an, a joué pour 10 % seulement dans le phénomène d'érosion. La houle, les vagues en sont responsables pour 90 %." L'autre effet redouté du changement climatique serait la multiplication des tempêtes et l'augmentation de leur intensité. La tempête de 1982 avait fait brutalement monter de 1 mètre le niveau de la mer.

Combat contre la mer

Dans cet espace en mouvement, l'homme a installé ses activités : les salins, le port de Fos-sur-Mer, la riziculture... La commune des Saintes-Maries-de-la-Mer (Bouches-du-Rhône, 2 500 habitants) s'y est développée. M. Sabatier pose l'équation à laquelle sont confrontés les Camarguais : "Les littoraux sableux sont mobiles, tandis que les hommes sont immobiles."

Le XXe siècle a été celui du combat contre la mer, avec la construction de digues et d'enrochements : environ deux cents ouvrages sur 40 kilomètres de plages. Le XXIe siècle voit déjà se développer une autre politique, baptisée "repli stratégique".

Les Camarguais ont cherché à protéger artificiellement leur rivage. Parfois avec succès, d'après le géomorphologue : "Aux Saintes-Maries-de-la-Mer, si on n'avait pas placé des digues et des brise-lames, le village aurait disparu dans les années 1990-2000. Le trait de côte se situerait aujourd'hui à l'entrée du village, côté terre." Mais, si le trait de côte n'évolue plus, la poursuite sournoise d'une érosion sous-marine nécessiterait, selon l'expert, une surveillance particulière.

"Il faut arrêter de faire peur aux gens", tempête Roland Chassain. Le maire (UMP) de la localité a été chargé par la secrétaire d'Etat à l'écologie, Chantal Jouanno, d'une mission sur la gestion du trait de côte en Camargue. Ses objectifs sont de recenser les connaissances sur le phénomène d'érosion, d'évaluer les réponses apportées et d'examiner les solutions qui n'ont pas encore été expérimentées. Roland Chassain stigmatise "les médias qui font peur" et les scientifiques dont "les études remplissent des placards". "Tout cela est faux, affirme-t-il. On n'a pas perdu 400 mètres de rivage. J'ai des photos : en 1911, en 1932, il n'y avait pas de plage, et suite aux travaux d'enrochement, les Saintes ont, aujourd'hui, des plages tout au long du village." A l'automne, de nouveaux travaux seront réalisés pour un montant de 4 millions d'euros.

A quelques kilomètres de là, en Petite Camargue, où les ouvrages de protection sont à bout de souffle, le Parc naturel régional de Camargue a rallié quelques propriétaires à une première expérimentation du "repli stratégique". A Brasinvers, cet hiver, une dune faite de sable et de végétaux va être érigée, une trentaine de mètres à l'intérieur des terres, pour laisser fluctuer le trait de côte tout en stabilisant le littoral.

Dans le secteur du phare de Faraman, certains considèrent d'ores et déjà qu'"il faudra lâcher et voir se former un système lagunaire, un lido où la mer entrera et sortira en fonction des tempêtes".

Mais en Camargue, où les hommes ont appris à lutter pied à pied contre la mer, tout le monde n'est pas prêt à ce "décorsetage du rivage".

Source : Le Monde

 



17/08/2009
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