Rubrique - Développement Durable : Interrogations sur l'Evolution du Taux de Fécondité au Maroc
Rubrique - Développement Durable :
Interrogations sur l'évolution du taux de fécondité au Maroc
Quelques pays d’Afrique du Nord ont connu une contre-transition démographique. Après une baisse continue, leur taux de fécondité augmente. C’est le cas de l’Algérie et de l’Egypte. Mais pas du Maroc ni de la Tunisie.
Dans les cas algérien et égyptien, certains démographes attribuent la contre-transition démographique à un double phénomène : d’une part, la baisse continue du taux d’activité des femmes et d’autre part, au grand retour du conservatisme qui a tendance à confiner la femme au foyer et à encourager les naissances.
Ce double phénomène existe au Maroc aussi. Malgré cela, il n’y a pas vraiment de contre-transition démographique. La fécondité stagne. Ou augmente légèrement, selon les sources des données (’Enquête nationale démographique à passages répétés, Recensement général de la population, enquête de santé). La baisse du taux d’activité féminin, quant à elle n’a pas à notre connaissance, une explication qui fait l’unanimité : est-elle due à la difficulté de trouver un emploi en raison de la crise économique ou à une idéologie conservatrice?
Une note du HCP
Le HCP (Haut-commissariat au plan), a publié le mercredi 20 mars 2019, une note au sujet de l’évolution du taux de fécondité au Maroc. En voici l'essentiel:
La transition de la fécondité est le passage d’un niveau de fécondité élevé à une fécondité basse jusqu’à atteindre le taux de remplacement des générations, pour se situer parfois en-dessous de ce taux. Une fois ce processus amorcé, la baisse a tendance à s’opérer sans interruption. Ce schéma classique, certes vérifié dans le cas de nombre de pays, n’est, cependant, pas universellement observé.
Amorce d’une hausse de la fécondité ?
Depuis le début des années soixante, la fécondité au Maroc a considérablement baissé. Elle est passée en moyenne nationale de 7,20 enfants par femme en 1962 à 3,28 en 1994, à 2,47 en 2004 et à 2,19 en 2010 et a connu une faible hausse, passant à 2,20 enfants par femme en 2014, soit pratiquement une stagnation.
En milieu rural, la fécondité a baissé de 6,91 en 1962 à 4,25 en 1994, ensuite à 3,06 en 2004, puis à 2,70 en 2010 et à 2,55 en 2014.
Tandis qu’en milieu urbain, elle a baissé respectivement de 7,77 à 2,56, puis 2,05 et 1,80 avant une légère reprise, à 2,01 enfants par femme, enregistrée en 2014.
Toutefois, la baisse a été interrompue, puisque l’indice synthétique de la fécondité révélé par le RGPH 2014 (2,21 enfants) est légèrement supérieur à celui estimé par l’Enquête nationale démographique à passages répétés 2009-2010 (2,19 enfants) suite à un léger accroissement de la fécondité en milieu urbain (1,8 contre 2,01 enfants).
Structures de la fécondité
La baisse tendancielle de la fécondité est due à deux facteurs essentiels :
- le recul de l’âge au premier mariage, qui est passé en moyenne d’environ 17,3 ans chez les femmes en 1960 à 25,7 ans en 2014.
- le rôle considérable qu’a joué la contraception. Elle était de 19,4% au début des années 80, et n’a pas cessé d’augmenter jusqu’à atteindre 70,8% en 2018.
Par ailleurs, il a été constaté que l’âge au premier mariage de la femme se modifie en fonction des circonstances en réagissant aux crises et notamment aux crises de subsistance ou aux conditions économiques favorables et la fécondité diminue ou augmente en conséquence.
La hausse globale de l’âge au premier mariage des femmes marocaines s’est estompée depuis 2004 enregistrant, depuis, une baisse, passant de 26,3 ans en 2004 à 25,7 ans en 2014 et à 25,5 ans en 2018.
Cette baisse est relevée chez les femmes rurales, passant de 25,5 ans en 2004 à 24,8 ans en 2014 et à 23,9 ans en 2018.
Par contre chez les femmes urbaines une reprise à la hausse de l’âge au premier mariage a été enregistrée en 2018, passant de 27,1 ans en 2004 à 26,4 ans en 2014 et à 26,6 ans en 2018.
Les taux de fécondité par âge de la femme révèlent une légère hausse de ces taux, survenue entre 2004 et 2014, chez les femmes âgées de moins de vingt ans, aussi bien dans le milieu urbain que dans le milieu rural. La hausse de la fécondité des femmes d’au-delà des 35 ans n’a concerné que le milieu urbain et a touché la quasi-totalité des grandes villes.
La hausse de l’âge du mariage dans le milieu urbain pourrait être due au fait que les femmes en milieu urbain ont tendance à reporter, momentanément, le projet de mariage et préféreraient, dans un premier temps, une réalisation de soi et acquérir une certaine autonomie financière. Pour ce faire, elles optent à poursuivre les études et trouver un travail. Cela pourrait expliquer le fait qu’elles se marient, relativement, tard. Cependant, aussitôt en couple la question de la descendance devient prioritaire à cause des contraintes biologiques puisque en plus des risques de complication de grossesse, la fertilité des femmes diminue avec l’âge.
Par contre, la hausse du taux de fécondité chez les moins de 20 ans a touché simultanément les deux milieux sachant que la fécondité chez ce groupe d’âge a toujours été en baisse. Si cette situation est relativement compréhensible pour le milieu rural, vu les coutumes et les traditions qui le caractérisent, elle reste fortuite pour le milieu urbain.
De prime à bord, et sachant que les rapports sexuels et les naissances ne sont acceptés que dans la cadre du mariage, cela signifie que la proportion des femmes non célibataires dans ce groupe s’est élevée, passant de 6% en 2004 à 7% en 2014, de 5% à 6% en milieu urbain et de 8% à 9% en milieu rural.
La proportion des femmes mariées a augmenté de 52,8% à 58% entre 2004 et 2014. Durant la même période, l’âge moyen au premier mariage chez les femmes a baissé. Il est passé de 26,3 ans à 25,8 ans. Ce constat est, forcément, dû à une augmentation substantielle de la proportion de jeunes femmes mariées.
Le taux de femmes non célibataires à 20-24 ans est passé de 38,7% en 2004 à 47% en 2014. Cette augmentation globale est la résultante de celle enregistrée en milieu urbain et d’une autre plus importante dans le milieu rural. Aussi, celui des hommes de 25-29 ans a légèrement augmenté entre les deux dates passant de 31,3% à 32,6%. Elle est la résultante d’une augmentation de 4 points de pourcentage au niveau de l’urbain et d’une légère baisse de 1,5 point de pourcentage au niveau du milieu rural.
La fécondité a augmenté dans le groupe d’âge 15-19 ans aussi bien dans les grandes villes que dans le milieu rural. Elle a augmenté de 41% à Tanger, 35% à Casablanca, de 24% à Meknès et de 5% à Rabat-Salé. Dans le groupe d’âge 35 ans et plus, et à l’exception de la ville de Fès où le taux de fécondité a baissé, une augmentation de 12% a été enregistrée à Marrakech, 11% à Rabat-Salé et environ 7% à Casablanca. Par contre, en milieu rural, et pour le même groupe d’âge, la fécondité a connu une baisse de presque 23%. Pour le reste des groupes d’âges, de 20 à 34 ans, la fécondité a globalement baissé à l’exception de Tanger où une augmentation de 6% a été enregistrée chez le groupe d’âge 20-24 ans.
Une tendance problématique de la fécondité au Maroc
Des études récentes ont indiqué qu’une stagnation de la fécondité est en train de s’installer, et parfois-même une reprise de la fécondité a été enregistrée, dans certaines régions du monde, notamment, dans les pays arabes.
En 2015, quelques pays ont connu une augmentation inhabituelle de la fécondité au cours de la période 2005-2015. Elle est, relativement, faible en Tunisie et au Maroc mais a été persistante en Algérie où la fécondité est passée de 2,4 à 2,9 enfants par femme entre 2000-2005 et 2010-2015. La baisse de la fécondité a également stagné en Iraq et en Jordanie. En Égypte, l’indice synthétique de la fécondité est passé de 3,0 à 3,5 entre 2008 et 2014. Ces augmentations ont été précédées d'une décélération du taux de baisse de la fécondité.
Au Maroc, les premiers résultats de l’Enquête Nationale sur la Population et la Santé Familiale (ENPSF 2018) semblent indiquer que la fécondité est en train d’enregistrer une baisse comparativement à celle de 2011.
L’évolution de la fécondité marocaine à travers les enquêtes démographiques et de la santé montre qu’après avoir continuellement régressé au fil des années, la fécondité en 2011, a enregistré une faible hausse par rapport au RGPH 2004, passant de 2,5 à 2,59 enfants par femme, avant de descendre à nouveau à 2,38 enfants par femme en 2018. Même avec cette baisse, ce dernier taux reste supérieur à celui du RGPH 2014 (2,21 enfants).
Globalement, et jusqu’en 2010, la fécondité tendait vers la baisse, et ce malgré les légères fluctuations observées entre 1992 et 1997. A partir de 2014, une légère hausse de la fécondité a été entamée, pratiquement, dans les deux milieux de résidence, et a continué jusqu’en 2018. Ainsi, l’ISF annoncé, qui était de l’ordre de 2,21 enfants par femme en 2014, et qui est légèrement supérieur à celui de 2010 (2,19 enfants par femme), a continué son ascension pour atteindre 2,38 enfants par femme en 2018.
Ces fluctuations observées dans l’intensité de la fécondité nous poussent à nous résigner à opter pour une tendance claire. Si on analyse, séparément, les données des recensements de la population et celles des enquêtes démographiques et de santé, la tendance est globalement vers la baisse. Par contre, lorsqu’on combine les deux sources d’information, la tendance se modifie vers la hausse depuis 2010.
A priori, les estimations de la fécondité, des recensements ou des enquêtes démographiques et de santé (EDS), devraient être proches, ou même semblables, mais ce constat soulève des questions d’ordre méthodologique, notamment de nature et de période de référence de chaque opération statistique. Seules d’autres opérations statistiques futures permettront de confirmer ou d’infirmer une éventuelle tendance de la fécondité au Maroc. (Source: HCP)
Source : MEDIA24
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