20.09.2009 : La mobilité, cruciale pour s'adapter au changement climatique
MONDE:
La mobilité, cruciale pour
s'adapter au changement
climatique
Les experts qui étudient la probabilité des mouvements de population liés au changement climatique aboutissent à des prévisions largement divergentes. Cependant, la plupart d'entre eux s'accordent à dire que les décideurs politiques doivent comprendre que les migrations sont une réaction de survie de populations en danger, et doivent prendre davantage de mesures pour aider les zones de destination à se préparer.
« Les migrations et la mobilité sont toujours perçues comme des exceptions alors qu'elles constituent la norme. La mobilité permet de sortir de la pauvreté », a déclaré Cecilia Tacoli, directrice de recherche pour l'Institut international pour l'environnement et le développement (IIED), une ONG (organisation non gouvernementale) basée à Londres. « Si les personnes affectées par le changement climatique manquent de ressources ou ont besoin de diversifier leurs sources de revenus, il faut répondre à ce manque plutôt que de le considérer comme un problème ».
Mme Tacoli publiera en octobre une étude intitulée Crise ou adaptation ? Migrations et changement climatique dans un contexte de forte mobilité (Crisis or adaptation? Migration and climate change in a context of high mobility).
Les chiffres
Norman Myers, écologue renommé et membre de la 21st Century School de l'Université d'Oxford, qui vient d'achever une étude pour l'Agence suédoise d'aide au développement international, a affirmé que d'ici 2040, « des centaines de millions » de personnes risquaient d'être déplacées par les crises climatiques ou la dégradation de l'environnement.
En
D'après les Nations Unies, jusqu'à 70 pour cent des personnes vivant dans des villes de cinq millions d'habitants ou plus sont installées à un à deux kilomètres de la côte.
Mais pour Mme Tacoli, de l'IIED, les prévisions concernant les migrations sont exagérées, car elles s'appuient sur le nombre des personnes vivant dans les zones les plus exposées aux effets du changement climatique, plutôt que sur le nombre des personnes les plus susceptibles de migrer.
Koko Warner, directrice de la section Migration environnementale, vulnérabilité sociale et adaptation de l'Université des Nations Unies (UN University), a déclaré que la multiplicité des variables rendait difficiles, voire impossibles, les prédictions exactes concernant les migrations.
« Quand. on fait des prévisions au sujet de l'environnement, on peut se faire confiance : on s'appuie sur une grande quantité d'informations. Mais lorsque l'on étudie les êtres humains, c'est plus risqué. Les chiffres sont presque toujours fondés sur des recensements qui sont effectués tous les cinq à 10 ans, donc tout ce dont on dispose, c'est d'une image de la situation à un instant donné ».
Ces chiffres n'indiquent pas toujours pourquoi les personnes sont parties, ou quelle dynamique sociale se cache derrière leur migration, a-t-elle ajouté.
M. Myers a défendu ses prévisions. « Ces chiffres ne doivent pas être reçus comme paroles d'évangile », a-t-il précisé. « Ce sont plutôt des estimations documentées. Si les scientifiques ne donnaient pas d'indications chiffrées, alors les décideurs politiques déclareraient que s'il n'y a pas de preuve, c'est qu'il n'y a pas de problème ».
Solutions locales
D'après les recherches menées jusqu'à présent sur les mouvements de populations liés aux catastrophes naturelles, la plupart des victimes ne vont pas au-delà des frontières de leur pays. En outre, les populations les plus vulnérables sont celles qui sont le moins en mesure de s'éloigner, et pour lesquelles la migration internationale de longue distance est encore moins envisageable.
Les événements extrêmes et exceptionnels ont tendance à provoquer des migrations de court terme et de courtes distances, tandis que les évolutions environnementales de plus long terme donnent généralement lieu à des migrations plus permanentes et de plus longues distances, observe un rapport de James Morrissey publié en 2009 par le Refugee Studies Centre.
Pour Mme Tacoli, comme pour d'autres chercheurs, les décideurs politiques devraient aider davantage les Etats vulnérables à se préparer aux conséquences du changement climatique sur leur territoire, par exemple en mettant en place des infrastructures et des services de base dans les petites villes des zones rurales susceptibles de devenir des destinations migratoires importantes.
« Les petites villes des régions agricoles ont un rôle particulièrement important à jouer, car elles risquent de devoir fournir des moyens de subsistance aux populations les plus pauvres, qui se retrouvent souvent sans terre et n'ont pas les moyens de migrer vers des villes plus grandes », a-t-elle expliqué à IRIN.
« Par bien des aspects, ce sont les gouvernements locaux qui peuvent avoir la plus grande efficacité en matière d'atténuation du changement climatique », a-t-elle déclaré. « Pour que cette idée soit acceptée, nous aurons besoin du soutien des gouvernements nationaux des pays concernés, mais pour l'instant, lorsque l'on parle de migrations, on n'évoque que les gouvernements des pays qui ne sont pas directement touchés par le changement climatique ».
Renforcer les stratégies d'adaptation locale pourrait également commencer par permettre de réduire le nombre de déplacés, a indiqué M. Warner.
Les débats sur les migrations devraient se concentrer sur ces questions, plutôt que d'inciter les décideurs et les responsables politiques à tenir des discours fondés sur la « peur des migrations », dans des pays où le changement climatique est aujourd'hui bien souvent présenté comme une question de sécurité nationale, ont déclaré des chercheurs à IRIN.
Une rhétorique de la peur?
En août dernier, le Département américain de
De même, Javier Solana, Haut Représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union européenne, a averti en 2008 que les migrations liées au changement climatique « pourraient être une source de conflits dans les zones de transit et de destination. L'Europe doit s'attendre à subir une forte augmentation de la pression migratoire ».
« Les pays industrialisés ne peuvent pas se contenter d'élever des barrières - qu'elles soient institutionnelles, politiques ou mentales - à travers
Des signes semblent indiquer que les Etats membres de l'Union européenne commencent à adopter une vision plus nuancée des migrations environnementales.
Plutôt que de susciter des réactions de panique, les dirigeants devraient s'inspirer des expériences passées pour définir leurs politiques migratoires et environnementales des années à venir, a déclaré Mme Tacoli.
Source : IRIN
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