25.09.2008 - La Conjoncture : Le Tsunami de la Faim
Le Tsunami de
L’impossibilité d’accéder aux
aliments a poussé dans la rue, ces
derniers mois, des milliers de
personnes dans les
pays du Sud. Des manifestations, des
grèves et des protestations se sont répétées d’un bout à l’autre de la planète.
Au Bangladesh le prix du riz a doublé cette dernière année, en Haïti le coût des aliments a augmenté plus de 40% et ce même pourcentage a augmenté en Égypte. On a vécu la même dynamique en Côte d’Ivoire, Bolivie, Indonésie, Mexique, Philippines, Pakistan, Mozambique, Pérou, Yémen, Éthiopie... La liste pourrait continuer.
Ces révoltes de la faim nous rappellent celles qui eurent lieu entre les années 80 et 90 dans les pays du Sud contre les politiques d’ajustement structurel imposées par
Mais le problème aujourd’hui n’est pas le manque d’aliments : la production de céréales à niveau mondial a triplé depuis les années 70 et les réserves dépassent largement la demande. De fait, la production agricole n’a jamais été aussi abondante. Alors, quel est le problème ? La difficulté réside dans l’impossibilité, pour les pays du Sud, de payer les prix établis. Il s’agit, par conséquent, d’un problème d’accès aux aliments.
Les céréales de base sont celles qui ont souffert l’augmentation la plus spectaculaire cette dernière année : autour de 70%. Parmi celles-ci, il faut souligner le blé, le soja, les huiles végétales et le riz. Le coût du blé, par exemple, est arriver à atteindre 130% de plus que depuis un an et le riz 100%. Evidemment, ce sont les couches les plus pauvres de la population des pays du Sud, en particulier celles qui quittèrent la campagne et qui aujourd’hui habitent massivement les villes, qui sont en train de subir les graves conséquences de cette augmentation des prix des aliments de base.
Une crise qui n’est pas conjoncturelle mais qui est le résultat d’un système agroalimentaire privatisé, centré sur le marché international et subordonné au but lucratif. Il y a plusieurs raisons qui ont déclenché cette crise alimentaire mondiale : l’augmentation des importations de céréales réalisées par des pays jusque là autosuffisants, comme l’Inde,
Spéculer avec
Des multinationales comme Cargill et Bunge, ainsi que le gouvernement des Etats-Unis, exercent un grand contrôle sur la production et la commercialisation de ces matières premières, déterminant ainsi leur prix final. Il s’agit d’une dynamique récurrente dans toute la chaîne productive. Ce sont les grandes multinationales, monopolisant chacun de ces maillons, qui sont les premières bénéficiaires de la crise actuelle. Les principales compagnies de semences, Monsanto, DuPont et Syngenta, ont reconnu une augmentation croissante de leurs gains, de même que les principales industries d’engrais chimiques comme Mosaic Corporation (propriété de Cargill) ou Potash Corp. Les plus grandes entreprises de traitement d’aliments, telles Nestlé ou Unilever, ont aussi annoncé une hausse dans leurs bénéfices, bien qu’inférieure par rapport à celles qui contrôlent les premiers maillons de la chaîne. De même que les grands distributeurs d’aliments, comme Wal-Mart, Tesco ou Carrefour, les rois des supermarchés, qui affirment continuer d’augmenter leurs gains.
Insécurité Alimentaire
Dans la mesure où l’agriculture s’est mercantilisée, donnant priorité à la production pour l’exploitation sur l’approvisionnement local ou abandonnant des systèmes de cultures traditionnelles au nom d’une agriculture industrielle et dépendante de drogues (avec l’utilisation de pesticides et produits chimiques), on s’est retrouvé dans une insécurité alimentaire croissante où nos besoins alimentaires se sont retrouvées dans les mains de multinationales de l’agroindustrie. Les politiques néolibérales appliquées systématiquement depuis les années 70 ont contribué, sans aucun doute, à cela.
Le cas d’Haïti est révélateur. Il y a trente ans, ce pays produisait tout le riz dont il avait besoin pour nourrir sa population, mais vers le milieu des années 80, face au besoin de fonds (quand le dictateur haïtien Jean-Claude Baby Doc Duvalier abandonna le pays en dévalisant les caisses de l’État), il dut s’endetter avec le Fonds Monétaire International. Ici débuta une spirale de domination qui plongerait le pays dans la plus profonde des dépendances politiques et économiques par rapport aux institutions financières internationales, en particulier, envers les États-Unis.
Pour obtenir ces emprunts, Haïti se vit obligé d’appliquer une série de politiques d’ajustement structurel, comme la libéralisation commerciale et la réduction des tarifs douaniers qui protégeaient la production de plusieurs de ses cultures, parmi elles, le riz. Cette ouverture permit l’entrée non discriminée du riz subventionné par les États-Unis, qui se vendait bien en dessous du prix auquel les agriculteurs locaux pouvaient le produire. Un fait qui plongea dans la misère la plus profonde les producteurs locaux qui, ne pouvant rivaliser avec ce riz, abandonnèrent leurs champs et leurs cultures. Aujourd’hui, Haïti s’est transformé dans un des principaux importateurs de riz des États-Unis.
Mais le cas d’Haïti peut se généraliser à bien d’autres pays du Sud, où l’application systématique des politiques néolibérales au long de ces trente dernières années a plongé les populations dans l’extrême pauvreté. La libéralisation commerciale à outrance à travers les négociations au sein de l’Organisation Mondiale du Commerce et les accords de libre commerce, les politiques d’ajustement structurel, le payement de la dette extérieure, la privatisation des services et des biens publics ont été quelques unes des mesures qu’ont appliqué
Ces politiques ont généralisé une privatisation croissante de l’agriculture et de l’alimentation, ainsi que d’autres secteurs. Une dynamique qui, bien qu’elle montre son visage le plus sanglant dans le Sud, s’est aussi imposée dans les pays du Nord avec une agriculture hautement délocalisée et industrielle. Face aux conséquences de ce modèle il est indispensable de commencer à appliquer tout de suite les principes de la souveraineté alimentaire. Les alternatives sont sur la table, il faut juste une volonté politique pour les appliquer et, évidemment, se battre pour arriver à les imposer.
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* Esther Vivas est auteur de : « En campagne contre la dette (Syllepse, 2008) », co-coordinatrice des livres en espagnole Supermarchés, non merci et Où va le commerce équitable ? et membre de la rédaction de la revue Viento Sur.
Source : Infos de
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