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18.04.2008 : La Rubrique - Le Consommateur : Le marché et la faim

La Rubrique – Le Consommateur :

Le marché et la faim

 

 

La hausse accélérée du prix des céréales a déclenché des situations de famine dans une quarantaine de pays du monde, au moment même où l'on se félicitait des avantages de l'ouverture internationale des marchés. En contrepoint du développement des économies et des niveaux de vie des pays émergents, les disettes des pauvres rappellent les épisodes millénaires des émeutes pour le blé, des guerres de farines, des adoptions en catastrophe des lois frumentaires. Surprise et désarçonnée, la communauté internationale détaille aujourd'hui les causes d'un phénomène qu'elle n'a pas vu venir hier. La principale est naturellement l'explosion de la consommation chinoise et asiatique ; en quantité, et en qualité à cause de celle de viande, grosse consommatrice de céréales dans l'élevage. Par un phénomène identifiable et prévisible, cette demande massive face à une offre inélastique des surfaces cultivées et à l'épuisement des stocks, a déclenché une hausse des prix du plus pur classicisme de marché. La hausse de l'énergie ayant pesé par ailleurs sur les processus de production et de transport, l'étau s'est resserré sur le consommateur final. Le fond de l'analyse serait banal, si la situation n'était au surplus exacerbée par deux facteurs caractéristiques du temps.

 

Le premier, le plus médiatisé, tient au développement parallèle des biocarburants, source à la marge de consommations supplémentaires de céréales. Le gouvernement américain y a trouvé l'occasion de s'acheter une conscience écologique tout en consolidant les subventions à ses fermiers. Mais la mode commence à se retourner. On prend soudain conscience de la consommation aggravée des surfaces, de la pression sur le prix des terres qui en résulte, et du fait que toute utilisation d'énergie par combustion implique toujours des rejets ; ce que les spécialistes savaient depuis longtemps... Reste le deuxième facteur, financier, qui pousse le tout à l'apoplexie. Les fonds spéculatifs, échaudés par la crise des papiers douteux, se sont réfugiés dans les matières alimentaires. Sur le marché de Chicago, en un an, les cours du maïs ont été multipliés par 1,6 et ceux du blé et du riz ont triplé. Les virtuoses de l'exploitation des écarts trouvent leur compte dans ces pénuries quand ils ne les entretiennent pas, à la manière de leurs ancêtres accapareurs. Face à tous ces mécomptes, la réaction la plus primaire est de dénoncer le marché, source de tous les maux. La réalité est plus prosaïque. Le marché fournit à temps toutes les données des situations à venir, puis il enregistre les résultats des comportements de ses acteurs. Le confort des solutions différées, les politiques paresseuses, les appâts du court terme, la voracité des investisseurs se conjuguent pour lui faire jouer une mauvaise pièce. Quand le sujet en est « mangeront-ils ? », elle est plus détestable encore.

Source : Les Echos



18/04/2008
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